Évitons de cautionner les fake news!

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueLes fake news ont toujours existé, des rumeurs transmises de bouche à oreille. Elles tardaient à atteindre un large public. Aujourd’hui, la diffusion est instantanée avec internet.

Le 26/01/2024 à 11h10

Récemment, des enregistrements audio ont enflammé la Toile: le fils d’un responsable judiciaire dans la ville de Khémisset produit de la zoopornographie. Il paye des femmes pour les filmer en train de s’adonner à des actes sexuels obscènes avec des chiens.

Les internautes, sans contrôler l’information ou attendre la version officielle des autorités, se sont déchaînés.

Khémisset est devenue honteusement célèbre par la perversion sexuelle de ses femmes.

Les audios ont déclenché une avalanche de violents commentaires écrits, audio, vidéo. Une immense énergie déployée dans l’inutile, l’absurde.

Des internautes ont découvert la cause de la sécheresse: Dieu nous punit à cause de l’obscénité des femmes. Pour d’autres, c’est une raison pour ne pas réformer le Code de la famille. D’autres ont usé d’un humour sordide.

Les femmes ont été blessées dans leur dignité, comme en témoigne une internaute: «J’ai honte. Des gamins et des jeunes hommes aboient derrière des femmes dans la rue, pour faire allusion à la zoophilie.»

Quelques jours plus tard, un procureur général du Roi a formellement réfuté ces allégations. Les audios ont été lancés par deux femmes. Elles les ont accompagnés de photos d’autres femmes dans le cadre d’un règlement de compte. Ces deux femmes ont été incarcérées, accusées de diffusion de fake news.

Fake news, mot anglais: fausse information qui bénéficie d’une large diffusion volontaire dans les médias et internet pour induire en erreur et désinformer.

Hoax, mot anglais: information fausse, périmée, non contrôlée, diffusée spontanément par les internautes.

Les Français ont inventé un mot: infox, composé d’info et intoxication.

En arabe classique, c’est al akhbar alkadiba; en arabe dialectal, c’est lakdoube, zfithe, tqanbile.

Les fake news ont toujours existé, des rumeurs transmises de bouche à oreille. Elles tardaient à atteindre un large public. Aujourd’hui, la diffusion est instantanée avec internet.

Les fake news viennent d’organismes ou de personnes pour influencer l’opinion publique, nuire à une personne, une entreprise, un pays... Pour contrer une vérité scientifique, comme lors de la pandémie de Covid-19.

En 2021, en Espagne, une vidéo montrait des migrants clandestins arabes sur les côtes espagnoles. L’un d’eux disait qu’ils allaient trancher la gorge des Espagnols qui ne louent pas le prophète Mohammed, un petit couteau à la main. Montée du racisme chez les Espagnols! Après vérification, il s’est avéré que c’étaient des jeunes chanteurs algériens. La vidéo a été trafiquée!

En 2021, un jeune homme a publié une vidéo sur la toxicité des pastèques. Malgré les démentis du ministère de l’Agriculture, la vente des pastèques a baissé.

De nombreux exemples nous sont donnés par les Algériens pour ternir l’image du Maroc.

Récemment, l’agence de presse algérienne a annoncé qu’un mandat d’arrêt international a été lancé contre Abdellatif Hammouchi, directeur général du pôle DGSN-DGST, et Mohamed Dkhissi, directeur central de la police judiciaire.

Certaines fake news visent à semer la panique pour causer un trouble public, comme au lendemain du dernier séisme. Une alerte tsunami a été lancée par un soi-disant expert néerlandais, avec des vidéos falsifiées. Beaucoup de familles ont quitté les villes côtières. Dans des vidéos, des sismologues ont voulu rassurer la population en l’informant de l’impossibilité de prédire un séisme, mais sans succès.

Des chercheurs de Massachusetts Institue of Technology ont démontré que les fausses informations circulent six fois plus vite que les vraies, à cause des internautes qui partagent sans réfléchir.

L’internaute veut surprendre, montrer qu’il est le premier détenteur du scoop, sans réaliser qu’il cautionne la bêtise.

Les fausses informations circulent rapidement car elles sont vite partagées par les internautes qui cherchent le sensationnel. Mais quand de vraies informations sont publiées pour corriger la fausse information, elles le sont moins car les algorithmes favorisent la première information massivement partagée.

Quand un utilisateur clique sur des vidéos et audios fallacieux, l’algorithme lui présente tout le temps des histoires similaires. Un abrutissement en boucle!

La désinformation est différente de la mésinformation, qui consiste à diffuser une information fausse, mais involontairement. De nombreux ignorants se croient experts dans tous les domaines et donnent des leçons, y compris en médecine.

À l’ère du numérique, que d’internautes se prennent pour des sauveurs de l’humanité, des lanceurs d’alerte… pour faire le buzz et s’enrichir, car les fake news rapportent de l’argent à leurs fournisseurs.

Aucun État n’a pu contrôler véritablement ce secteur. Les diffuseurs de fake news doivent être punis sévèrement. Ceux de la mésinformation également, car nul n’a le droit d’alerter l’opinion publique sans contrôler l’information.

Le système scolaire devrait éduquer à l’utilisation des informations.

Les mosquées devraient s’y mettre puisque les Imams ont une grande influence sur les croyants. Leur rappeler ce verset du Coran: «Ô les croyants! Si un pervers vous apporte une nouvelle, alors enquêtez afin que vous ne commettiez pas d’injustice envers des gens par ignorance, puis que vous regrettiez ce que vous avez fait.» (49:6).

Gardons l’esprit critique pour ne pas causer du tort à des innocents, contribuer à l’abrutissement des utilisateurs et enrichir les arnaqueurs.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 26/01/2024 à 11h10