France: en conflit avec Macron, le chef d'état-major des armées démissionne

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Le chef d'état-major des armées françaises Pierre de Villiers, en conflit avec le président Emmanuel Macron au sujet des coupes prévues dans le budget défense, a démissionné mercredi, une décision sans précédent qui marque la première crise d'ampleur du quinquennat.

Le 19/07/2017 à 10h29

"Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français", écrit le général de Villiers en annonçant son départ, dans un communiqué. Le maintien ou non en poste du chef d'état-major des armées agitait depuis plusieurs jours les milieux militaires, alors qu'Emmanuel Macron a multiplié les rappels à l'ordre brutaux à l'égard du général 5 étoiles.

A l'origine de la colère du chef de l'État, les critiques formulées par le général sur les 850 millions d'euros d'économies réclamées cette année aux armées, dans un contexte de serrage de vis budgétaire global, avec une baisse prévue de 4,5 milliards d'euros des dépenses de l'État en 2017. Après avoir sèchement recadré le général de Villiers la veille du 14 juillet devant un parterre militaire interloqué, en martelant "je suis votre chef" et en reprochant à son chef d'état-major, sans le nommer, d'avoir mis de façon "indigne" une polémique budgétaire "sur la place publique", le président a enfoncé le clou dimanche en n'excluant pas de lui retirer sa confiance.

"Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change", a asséné Macron dans les colonnes du Journal du Dimanche.

Personnalité intègre et rugueuse, apprécié de ses hommes, Pierre de Villiers s'était exprimé dans un langage fleuri quelques jours auparavant devant la commission Défense à l'Assemblée à huis clos, assurant qu'il n'allait pas se "laisser baiser" et que la situation des armées françaises n'était "pas tenable".

Le 14 juillet, au lendemain de son recadrage par le président Macron, il semblait adresser des messages subliminaux à l'exécutif dans une "lettre à un jeune engagé" publiée sur sa page Facebook: "Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d'être aveuglément suivi". En poste depuis 2014, le chef d'état-major des armées se plaint régulièrement de l'insuffisance des moyens alloués aux militaires à l'heure où la France est engagée sur plusieurs fronts contre le jihadisme et la menace terroriste, du Sahel (Barkhane, 4.000 hommes) au Moyen-Orient (Chammal, 1.200) en passant par le territoire national (Sentinelle, 7.000).

Pour les armées, l'arbitrage budgétaire annoncé la semaine passée est d'autant plus dur à digérer que le président Macron, élu le 7 mai, avait multiplié les signaux favorables en direction des militaires depuis son arrivée au pouvoir. Remontée des Champs-Elysées à bord d'un command car puis visite à des blessés de guerre le jour de son investiture, déplacement sur la base militaire française de Gao, au Mali, ou encore, plus récemment, hélitreuillage à bord d'un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE)...

Au-delà des symboles, le chef de l'État s'est engagé dès son arrivée à consacrer 2% du PIB à l'effort de défense d'ici à 2025, conformément à ses engagements de campagne. Au sein de l'opposition de droite, les réactions politiques n'ont pas tardé à pleuvoir après l'annonce du départ de Pierre de Villiers. "L'excès d'autoritarisme d'Emmanuel Macron aboutit à la démission du chef d'état-major Pierre de Villiers, une mauvaise nouvelle pour nos armées", a tweeté le député du parti Les Républicains (LR) Damien Abad, membre de la commission Défense.

"La question n'est pas de savoir qui est le chef mais si les moyens opérationnels sont conformes aux objectifs politiques", a renchéri dans un communiqué le député François Cornut-Gentille (LR), spécialiste des questions de défense. Selon lui, cette démission est "une décision courageuse mais surtout utile car elle va permettre d'ouvrir le débat nécessaire sur le financement de nos armées".

"La défense ne pouvait pas échapper aux réductions budgétaires", défendait, au contraire, lundi dans Le Monde, le général Jean-Paul Palomeros, ancien chef d'état-major de l'Armée de l'air, proche de Macron. Et de rappeler que le président a promis d'augmenter le budget défense en 2018, à 34,2 milliards d'euros contre 32,7 mds cette année.

Le 19/07/2017 à 10h29