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Le rugby marocain au fond du trou, creuse encore

Un match de rugby (photo d'illustration). © Copyright : DR
Sur le plan sportif, le Maroc du rugby disparaît des radars. Pire encore, des nations inconnues de l'histoire de ce sport commencent à se faire un nom aux dépens du Royaume.

L'actualité sportive, nationale ou internationale, est souvent liée, pour les sports collectifs, à des événements consacrés au football. À l'exception notable des États-Unis, et de quelques pays comme l'Inde ou l'Australie, le football est roi un peu partout dans le monde. Il occulte et invisibilise d'autres sports qui ne résistent que grâce à des militants dévoués ou aux exploits de leurs équipes nationales. Le sentiment national est un ingrédient puissant pour l'intérêt que l'on peut porter à une activité.

À différentes périodes, le basket, le handball et le rugby ont participé à cet élan national au Maroc dans différentes compétitions à l'étranger. Le basket marocain a représenté l'Afrique aux Jeux Olympiques, dans des Coupes d'Afrique et continue, bon an mal an, à écrire quelques feuillets pour enrichir son palmarès. Le handball est un peu plus présent, grâce à la volonté de quelques dirigeants particulièrement impliqués. Et il y a le rugby, l'énigme des sports collectifs au Maroc.

Pour comprendre le désastre de sa situation actuelle, il faut revenir un peu en arrière pour identifier le moment où il était au sommet du toboggan. Parce qu'il s'agit d'une chute violente, même si la comparaison n'est pas tout à fait heureuse. Le toboggan est un jeu, la chute du rugby un drame sportif.

Si les Marocains connaissent par cœur le parcours des Lions de l'Atlas du football, celui des rugbymen marocains est souvent resté confidentiel. Pourtant, le championnat national de rugby au Maroc a permis à près d'une centaine de joueurs formés localement de jouer à l'étranger dans des clubs importants, notamment en France. Le plus célèbre reste Abdellatif Benazzi, qui a d'abord joué à Oujda, sa ville natale, avant d'aller à Agen. Il a joué en équipe nationale marocaine, mais sa gloire, il l'obtiendra en France. Il finira capitaine de l'équipe nationale française, avec l'accord et la bénédiction de la Fédération royale marocaine de rugby et des autorités marocaines. Son changement de nationalité sportive sera accepté et validé, renforçant ainsi l'amitié sportive des deux pays. D'autres, comme les frères Bougja, ont permis d'écrire de brillantes pages de ce sport.

Le Maroc dispose d'un palmarès assez impressionnant en rugby. Deux fois champions d'Afrique, trois fois finalistes, classé troisième de la Coupe européenne des nations FIRA, à trois reprises, en 1971, 1972 et 2000. On peut légitimement en être fier, d'autant que la Confédération africaine est de création récente, le Maroc ayant longtemps fait partie de l'Europe en rugby.

Avant la création de la Confédération africaine de rugby, devenue depuis Rugby Afrique, le Maroc participait à la Coupe d'Europe des Nations aux côtés d'équipes comme l'Italie, l'Espagne, la Roumanie, le Portugal, la Géorgie, etc.

Sur le plan de la gouvernance également, le Maroc a brillé. Un des anciens internationaux marocains, M. Abdelaziz Bougja, a été président de la Confédération africaine de 2002 à 2019. Toute la fratrie a d’ailleurs joué en Equipe Nationale, Houcine, Abderrahim, Nacer et Said. Certains étaient même présent, en 1983, face à la France lors des Jeux méditerranéens. Aziz est aujourd'hui membre du comité d'audit, des risques et de la réglementation de World Rugby. Son frère Nacer Bougja est depuis 2022 le 1er vice-président de Rugby Afrique, et son autre frère, Abderrahim Bougja, longtemps président de la FRMR, continue à être régulièrement invité à assister aux matchs de la Coupe du monde de rugby ou des 6 Nations, en reconnaissance de son apport à la promotion du rugby dans le monde.

Paradoxalement, cette période de rayonnement à l'international de personnalités sportives marocaines allait susciter des convoitises. Elles peuvent être légitimes, le renouvellement des élites contribue au développement de toutes les organisations. Elles allaient s'avérer désastreuses. Sur le plan sportif, le Maroc du rugby disparaît régulièrement des radars depuis qu'ils ont pris le pouvoir. Pire, des nations inconnues de l'histoire de ce sport commencent à se faire un nom aux dépens du Royaume. Le voisin algérien a constitué une équipe nationale qui pourra faire mal à l'avenir, et le dernier joueur marocain à avoir été transféré vers une équipe du Top 14 s'appelait Boutati, en 2004, depuis plus rien.

Sur le plan de la gouvernance aussi, l'équipe nationale marocaine a fini par être suspendue, la Fédération a même risqué la radiation à vie, et son ancien président a été condamné à de lourdes sanctions (cinq ans de suspension de toute activité liée au Rugby).

On pensait la page tournée, voilà que la nouvelle fédération l'ouvre à nouveau. C'était lors de la finale du championnat à Taza. Un scandale d'arbitrage avec, au centre du terrain, le fameux suspendu. Il a été aperçu, haranguant les arbitres, une anomalie gravissime. C'est dommage, car ce monsieur a été joueur international et a défendu les couleurs du pays plusieurs fois. Il devrait se faire plus discret, par amour du rugby, ce que personne ne lui conteste.

Mais le plus grave a été le titre attribué en catimini au MCO alors que l'arbitre avait déclaré le match arrêté suite à la multiplication des actes de violences. Le rugby marocain n'avait pas besoin de ce qui ressemble à une revanche contre le COC, symbole de la rébellion, avec le RUC, pour une meilleure gouvernance. C'est dommage, car la fédération avait pris de bonnes initiatives pour relancer ce sport. Elle a encore du travail à faire, car pour l'instant, elle est au fond et elle creuse.

Par Larbi Bargach

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