Beckenbauer rejoint Cruyff, Maradona et Pelé

Franz Beckenbauer est décédé, en ce début du mois de janvier, des suites d’une maladie qu’il traine depuis 2016, date de sa dernière apparition publique. C’est une triste nouvelle pour les amateurs de football qui lui ont rendu un hommage appuyé tant il incarnait une certaine idée du sport le plus populaire au monde. Ce n’est pas un hasard si, avec Cruyff et Pelé, ils ont fait un passage aux Etats-Unis pour assurer la promotion du football dans ce pays. Ils ont tellement symbolisé ce sport que cet épisode de leur vie devenait indispensable.

Il y a très peu d’images sur le parcours de ces 3 mousquetaires, qui étaient 4 en réalité avec Maradona dans le rôle de D’Artagnan. Maradona était bien plus jeune que les 3 autres et les vidéos à son sujet bien plus nombreuses.

Au cours des années 60-70, il y avait très peu de caméras pour retransmettre les matchs. Trois ou quatre au maximum et encore pour les très grands matchs. Même la répétition des actions n’est intervenue qu’au cours de la Coupe du Monde 1970. A titre de comparaison, il y en avait 33 caméras pour couvrir la Coupe du Monde 2018. Depuis avec l’introduction de l’intelligence artificielle et les besoins de la VAR, le monde de la transmission des matchs entre dans une nouvelle ère.

Les seules images que nous avons de Beckenbauer sont celles de son bras en écharpe lors d’une mémorable demi-finale face à l’Italie au Mexique en 1970 et, celle brandissant la Coupe du Monde à Munich en 1974 après une finale gagnée face à la Hollande de Cruyff.

Beckenbauer c’est bien plus que ça, c’est d’abord un défenseur élégant, il ne regardait jamais le ballon, ou si peu, il jouait proprement, ses tacles étaient d’une pureté artistique. C’était aussi le premier contrattaquant.

Pour donner une idée à ceux nombreux qui ne l’ont jamais vu jouer, Beckenbauer a inventé la passe précise de 40m à la «Kroos», de l’extérieur du pied à la «Modric», ces chevauchées rappellent celles de «Valverde» et ses unes-deux avec Gerd Muller, un autre grand buteur qui nous a quittés, celles de la trilogie du meilleur Barça de tous les temps 2008-2012.

Personne n’avait sa classe et c’est toujours d’actualité. Il a inventé le poste de libéro, derrière le stoppeur il avait un rôle de Vigie capable d’analyser et d’orienter le jeu de son équipe. Ce poste ne lui a quasi pas survécu. Beaucoup ont essayé de l’imiter avant d’abandonner devant la difficulté de l’exercice. Cette posture lui servira plus tard lorsqu’il deviendra sélectionneur, un peu malgré lui, de la sélection allemande. Il a pris le poste suite à une campagne médiatique engagée par l’un des plus importants médias allemands le «Bild». En effet, c’est le premier entraineur à avoir adopté la position debout sur le banc de touche. Il voulait avoir une vue plus précise sur le positionnement des joueurs pour la corriger, le cas échéant. Depuis la FIFA a créé une zone de coaching dans laquelle les entraineurs ont une liberté d’action qu’ils n’avaient pas lorsqu’ils étaient contraints de rester assis aux côtés des remplaçants.

Ce sera aussi un grand dirigeant au Bayern d’abord, avec Rummenigge et Uli Hoeness comme adjoint et DG du club et pour le staff technique Maier pour les gardiens, Muller pour les jeunes. Avec eux le slogan «le football aux footballeurs» prenait tout son sens tant le Bayern est devenu une grande institution.

Cette icone du football mondial connue de tous, même si beaucoup ne l’ont jamais vu jouer, rejoint trois autres légendes du football du XXème siècle.

Pelé, la première grosse vedette du football. Larbi Ben Barek aurait pu l’être s’il n’avait pas vécu au mauvais moment, celui de la deuxième guerre mondiale. Il est encore honoré à Madrid, avec un portrait géant à l’entrée du Metropolitano, le stade de l’Atlético Madrid. Un hommage officiel lui a été rendu par la FRMF et l’Atlético récemment lors d’un match amical organisé pour les Lions de l’Atlas à Madrid face au Pérou.

Pelé c’est le premier joueur complet, capable de marquer de la tête et des deux pieds, d’organiser le jeu et motiver ses coéquipiers. Son aura était telle qu’il a connu une carrière politique, ministre des Sports.

Cruyff, «l’Hollandais volant» a complétement révolutionné le football en apportant légèreté, vitesse et fraicheur à ce sport qui sombrait petit à petit dans le carcan des stratégies défensives. Les années 60 ont été marqué par la dictature des résultats immédiats ou la force prenait le dessus sur la créativité, les stratégies défensives sur l’imagination et le talent. Cruyff et avec lui toute une génération va casser cette tendance.

Plus tard, il appliquera sa philosophie de jeu, dans les équipes qu’il aura à entrainer, l’Ajax Amsterdam, le club de sa jeunesse et surtout Barcelone à qui il donnera un ADN offensif fait de passes et de possession.

Maradona enfin, celui qui incarne la magie du football, l’insouciance et la révolte. Ce n’est pas par hasard qu’il a brillé en club à Naples, dont c’est pour toujours l’icone absolue et avec l’Argentine. Il a trouvé en Messi un digne successeur mais pas encore un héritier.

C’est une question de personnalité, de charisme et d’influence. Beckenbauer a changé l’histoire du football et vient de rejoindre les seuls qui peuvent y prétendre, Cruyff, Maradona et Pelé.