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Brésil/Uruguay: drame ou orgueil national, regards croisés sur le "Maracanazo"

Brésil/Uruguay en finale de la Coupe du monde 1950. © Copyright : DR
Pelé raconte que lorsque l'Uruguay a marqué le but de la victoire au Mondial-1950 face au Brésil, son père a fondu en larmes. Du haut de ses neuf ans, il lui a promis de soulever un jour la coupe pour le consoler.

Ce 16 juillet 1950, à la 79e minute, l'uruguayen Ghiggia inscrit le but qui plonge le Maracana, temple absolu du football, dans un silence de cathédrale. La victoire (2-1) de la Celeste prive le Brésil du titre mondial à domicile, alors que la Seleçao avait ouvert le score et n'avait besoin que d'un match nul. Plein comme un œuf avec 199.854 spectateurs, record de public absolu, le stade reste marqué à jamais par ce drame national.

Pour le sociologue Fernando George Helal, professeur de l'université de l'Etat de Rio de Janeiro (UERJ), ce "traumatisme" s'explique en grande partie par le fait que le Brésil était, à ce moment-là, un pays qui cherchait sa place dans le monde, alors que le concept d'Etat-nation prenait forme.

Le résultat de cette rencontre a alors été vécue comme "la défaite d'un projet de nation brésilienne", fondée sur le récit d'un pays où régnait l'harmonie entre les races réunies autour du ballon rond, a-t-il déclaré à l'AFP.

Avec le temps, la société brésilienne a compris que "les matches de la Seleçao étaient des victoires ou des défaites sportives", y compris le 7-1 de 2014 contre l'Allemagne.

"En 1950, ce fut une tragédie; en 2014, une vexation qui a été détournée en mème temps, car les gens n'y accordaient plus autant d'importance", a ajouté Helal, ce qui montre "une plus grande maturité".

Quant à Pelé, il a tenu la promesse faite à son père: à peine huit ans plus tard, le jeune prodige s'est couronné "Roi" en offrant au Brésil son premier sacre, lors du Mondial en Suède-1958.   

Nostalgie "parfois excessive" 
De l'autre côté de la frontière, en Uruguay, dès le coup de sifflet final, cette rencontre a cessé d'être un match de football pour devenir une métaphore: le "Maracanazo" (le coup du Maracana) est le synonyme de triomphe dans l'adversité, contre tous les pronostics. Mais "ce ne fut pas un hasard", souligne le journaliste Atilio Garrido, auteur du livre "Maracana, la historia secreta".

"A propos du Maracanazo, on met souvent l'accent sur +l'exploit+ (...) et on laisse de côté le fait que l'Uruguay avait une grande équipe", explique-t-il.

En ce temps-là, la Celeste régnait sur la planète football. Deux titres olympiques en 1924 et 1928, puis une victoire en Coupe du monde, à domicile en 1930. C'est pour ça que la victoire sur le Brésil en 1950 "a été une confirmation", juge le sociologue Felipe Arocena, qui est venu occulter les trois décennies précédentes. Depuis, voilà 70 ans que l'Uruguay attend de renouveler l'exploit du "Maracanazo".

Pour certains, ce récit épique a figé ce petit pays dans l'idée que la victoire était possible avec la seule "garra", une combativité de chaque instant. La nostalgie de cette finale, "parfois excessive" renvoie également à la nostalgie d'une époque florissante au niveau économique, fait valoir le journaliste Luis Prats, qui a écrit plusieurs ouvrages sur le football.

"En tant que petit pays sans grands moyens, il est devenu de plus en plus difficile de maintenir le niveau dans un sport où l'argent a pris une importance croissante", abonde-t-il. "Nous avons voulu remplacer l'impuissance footballistique par les coups et la +garra+ mal comprise", ajoute Felipe Arocena.

Cela a commencé à changer en 2006 sous la férule d'Oscar Tabarez, "El maestro" en référence à son premier métier, maître d'école, qui a refait de l'Uruguay une nation qui compte sur l'échiquier mondial.

"Ce fut la reconnexion avec la professionnalisation et la préparation scientifique et psychologique des joueurs", conclut le sociologue Felipe Arocena.

Par Le360 (avec AFP)

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