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Cinq Ligues des Champions, un record et un doute sur les compétences d’Ancelotti

Carlo Ancelotti, entraineur du Real Madrid. © Copyright : DR
Le football c’est la maitrise de beaucoup de détails. Ancelotti sait faire jouer son équipe, déjouer l’adversaire et faire les bons choix. Il transmet son calme olympique à ses joueurs qui ne paniquent jamais. La chance ne peut pas tout expliquer.

La 15ème victoire du Real Madrid en Ligue des Champions confirme la supériorité écrasante du club espagnol dans cette compétition. Au cœur de ce nouvel épisode européen, un homme a attiré tous les regards, l’Italien Carlo Ancelotti. Quelque soit la sympathie que l’on peut avoir ou pas pour le Real Madrid, ce monsieur génère beaucoup de respect autour de lui. Médias et collègues sont unanimes pour reconnaître sa classe et sa personnalité attachante. Ce n’est pas pour ses performances, qui sont exceptionnelles, mais pour son tempérament qu’il bénéficie de tant de bienveillance. On ne lui connaît aucune polémique, sinon mineure, que ce soit avec les journalistes ou ses collègues de travail. Tous les joueurs le respectent et les clubs par lesquels il est passé ont gardé le souvenir d’un homme sage, discret et pondéré.

Pourtant, sur le plan sportif, si son palmarès est incontestable, son apport technique est contesté et même sérieusement remis en cause. Il est vrai qu’il n’imprime pas une forte identité aux clubs qu’il dirige, comme a réussi à le faire Pep Guardiola, un chantre du football de possession et du football offensif, ou Mourinho, un adepte des tactiques «commandos» basées sur une occupation défensive des espaces et des contre-attaques très rapides.

Il base sa stratégie sur l’équilibre défense-attaque et des messages simples permettant aux joueurs d’exploiter toute leur créativité et leur énergie. C’est peut-être cet aspect de sa philosophie de jeu qui dévalorise son apport sur les équipes qu’il dirige. Guardiola ou Mourinho sont beaucoup plus directifs et imposent un schéma de jeu beaucoup plus précis à leurs effectifs.
Pour éviter toute confusion, il faut préciser que sans un effectif imposant aucun entraîneur ne peut réussir, c’est une évidence. Le moins que l’on puisse dire c’est que ces trois grands entraîneurs ont été particulièrement choyés dans les équipes avec lesquelles ils ont remportés des titres. Sans de grands joueurs, il n’y a pas de grands entraîneurs. La question qui s’est posée avec acuité au lendemain du nouveau sacre madrilène est justement relative au poids d’Ancelotti dans ce succès. Un des animateurs d’une radio sportive marocaine et plusieurs commentateurs français contestent les compétences d’Ancelotti. Ils limitent son savoir-faire à une réelle expérience et des considérations psychologiques de motivations de l’effectif qu’il sait garder uni. Lorsqu’au final son équipe sort vainqueur, on considère que c’est une affaire de chance. L’argument ultime étant que si Ancelotti avait perdu face à Manchester City, lors de la séance des pénaltys l’évaluation de son apport aurait été différente. Ceux qui avancent cet argument n’ont pas tort, mais il est à double tranchant dès lors que l’on s’attache à refaire les matchs.

Historiquement, Ancelotti et Guardiola se sont croisés quatre fois en Ligue des Champions. Dans ces quatre situations, l’équipe dirigée par Pep Guardiola était favorite, elle a été éliminée trois fois. Une première fois lorsqu’il était à la tête du Bayern avec un score de 0-4 lors du retour à domicile. De l’aveu même de l’entraîneur catalan, cette défaite était éminemment tactique et relevait d’un choix intelligent d’Ancelotti. Par la suite, les deux qualifications obtenues l’ont été au forceps. En 2022 par exemple, à 20 minutes de la fin du match, le Real avait un retard de 2 buts, Ancelotti a alors fait sortir Casemiro, Modric et Kroos pour les remplacer par Asensio, Rodrygo et Camavinga. On connait la suite de ce coaching courageux et gagnant. La seule fois où la supériorité des effectifs s’est clairement faite ressentir, c’est en 2023 lorsque Man City a battu le Real au retour sur le score de 4-0.

Ancelotti et Guardiola, Mourinho est moins en lumière depuis qu’il accepte de diriger des clubs sans envergure, exercent l’un des métiers les plus ingrats du monde sportif. Ils sont jugés au quotidien par un public exigeant, engagé, formés de supporters dont la lucidité n’est pas la qualité première. Ils sont bien heureusement protégés par des contrats et parfois par des dirigeants dotés de fortes convictions. Ils n’ont pas de baguettes magiques mais peuvent influer sur les résultats de leurs équipes respectives. Leur travail est complexe, le limiter aux combinaisons qu’ils travaillent avec leurs joueurs pour créer le danger et surtout des occasions de buts me semble réducteur. Il est vrai que c’est l’aspect le plus spectaculaire de leur métier et le plus apprécié du public. C’est normal, le football c’est d’abord un spectacle.

Ancelotti a souffert cette année de plusieurs défaillances qu’il a su surmonter, Courtois le gardien de but, Militão et Alaba les centraux de la défense n’ont pratiquement pas joué cette année. Vinicuis, Bellingham, Mendy, Carvajal se sont longtemps absentés sans conséquence sur la marche de l’équipe. C’est un bon point à mettre à l’actif de l’entraîneur. Le travail physique aussi est important. Pintus, le préparateur physique du club fait un excellent travail de préparation. L’environnement et la cohésion collective relèvent également du job de l’entraîneur. Kepa, gardien de but venu en urgence suite à la blessure longue durée de Courtois, a largement contribué à la victoire du Real lors de la séance des pénaltys du match Real-Man City. Ses conseils ont été précieux et ont permis à Lunin de rattraper le raté de Modric.

Le football c’est la maitrise de beaucoup de détails. Ancelotti sait faire jouer son équipe, déjouer l’adversaire et faire les bons choix. Il transmet son calme olympique à ses joueurs qui ne paniquent jamais. La chance ne peut pas tout expliquer. Ancelotti décrié sait tout faire. Jouer pour le spectacle ou le résultat. Il a une souplesse de convictions qui le distingue des autres et ne s’enferme jamais dans un schéma tactique strict. On peut dire de lui qu’il est l’entraîneur «total» comme on disait de l’Ajax des années 70 qu’ils étaient les chantres du «football total». Il peut se tromper comme tous les entraîneurs. Le football est une activité portée par les émotions et une irrationalité structurée. C’est pour ça que c’est le sport le plus populaire.

Par Larbi Bargach

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